Gentille par Berthoise
Elle est gentille, bien sûr qu'elle est gentille. Du reste, tout le monde le dit, elle est gentille. Elle prend des nouvelles gentiment, s'inquiète, vous fait quelques compliments. Elle est gentille. Elle veut rendre service. Elle regarde autour de vous. Elle voit vite où le bât blesse, là où elle pourrait être utile. C'est vrai, elle a du temps, elle peut le faire, non, ça ne la dérange pas. Elle s'impose tranquillement. Elle prend en charge ce qui vous pèse et vous voilà à la regarder mener d'une main de maître vos corvées. Et le cours de vos pensées change. Ce n'est pas exactement comme ça que vous auriez fait. Vous suggérez que vous pouvez le faire, que vous préférez votre manière. Mais non, elle sait. Elle l'a déjà fait. L'avez-vous déjà fait, vous ? Un certain agacement monte en vous. Vous essayez de vous mettre au diapason et de lui dire gentiment non. Vous reprenez l'affaire en main, vous cafouillez, faites des loupés. Elle se désole. Si vous aviez voulu, elle aurait pu. C'est à ce moment-là, que votre regard s'éclaire : ce n'est pas une gentille, c'est un poison. Vous lui dites vertement que ça suffit, que vous préférez un truc mal fait dont vous êtes l'auteur qu'un bidule parfait qui vous est étranger. Elle tourne son nez, pince ses lèvres, est vexée que ses conseils et son adresse soient refusés. C'est malin et c'est bien de vous, vous voilà fâché avec l'incarnation de la gentillesse.